jeudi 30 octobre 2008

Hommage populaire à Raúl Alfonsín [actu]

Photo officielle de Raúl Alfonsín prise le jour de sa prestation de serment le 10 décembre 1983


Dans l’attente d’une manifestation de commémoration des 25 ans du retour de l’Argentine à la démocratie, une foule de jeunes et de moins jeunes s’est rassemblée spontanément devant le domicile de l’ancien président Raúl Alfonsín, le militant des droits de l’homme dont l’élection le 30 octobre et la prise de fonction le 10 décembre 1983 permirent le retour en Argentine d’un régime constitutionnel et démocratique. Cet avocat militant du vieux parti d’Hipólito Yrigoyen, fondé en 1891, l’UCR, avait obtenu une majorité de 51,7%, soit 317 des 600 grands électeurs (1).

Raúl Alfonsín a aujourd’hui 81 ans et on le sait malade depuis quelques temps.

Ce matin, il a rendu publique, dans la toute première édition de Página/12, une déclaration où il se dit satisfait d’avoir accompli son devoir de construire une démocratie pour 100 ans de paix et de prospérité (100 ans de paix : tout au long du 20ème siècle, l’Argentine n’a jamais connu de périodes de véritable paix qui durent plus d’une quinzaine d’années...). Raúl Alfonsín appelle aussi tous ses compatriotes à unir leurs efforts "pour réaliser la tâche cyclopéenne de conjuguer dans la démocratie la liberté et l’égalité, la participation et la solidarité".

Les manifestants du 1600 avenida Santa Fe n’espèrent pas le voir se joindre à eux ni participer à la cérémonie organisée par Juventud Radical, le mouvement de la jeunessede la Unión Cívica Radical, au Luna Park à 18h (heure locale) mais ils souhaitent l’encourager et participer à son rétablissement à force de bons voeux. Les observateurs ont décelés beaucoup d’émotion sur les visages des gens au pied de l’immeuble.

La Présidente Cristina Fernández de Kirchner (CFK pour les journalistes de Página/12) présidera un autre hommage officiel le 10 novembre prochain.

(1) En 1995, la constitution argentine a établi la désignation du Président de la République au scrutin universel direct nominal à 2 tours mais elle prévoit qu’il n’y a pas de second tour lorsque l’un des candidats reçoit au premier tour plus de 45% des voix, ce qui fut le cas de Cristina Fernández de Kirchner le 28 octobre 2007 avec 45,25% des voix contre presque 23% à Elisa Cario, la chef de file d’une coalition de droite.

Le Quinteto La Mufa à Montevideo [à l’affiche]

Photo tirée de leur page web

Le Quinteto La Mufa (Quintette La Grogne) se compose d’un Argentin (le bandonéoniste et arrangeur du groupe qui a fait ses études de musique à Buenos Aires où il est né et à Montevideo) et de 4 Uruguayens (un pianiste, un contrebassiste, une violoncelliste et une violoniste), tous nés entre 1975 et 1979.

Ils se produiront les 7 et 8 novembre, à 22h, esq. Soriano y Ciudadela, à Montevideo (entrée : 120 pesos uruguayens).

Eux-mêmes se veulent à égale distance entre tradition et avant-garde. Ils ont été distingués à plusieurs reprises pour leur qualité artistique, en 2004, 2006 et 2007, tant par la Mairie de Montevideo que par le Ministère de l’Education et de la Culture d’Uruguay, s’honorent de l’estime que leur portent les Maestros Raúl Garello et Daniel Binelli et affichent avec fierté leur participation, en février de l’année dernière, à la 9ème édition du Festival de Tango de Buenos Aires.

Vous pouvez faire musicalement connaissance avec eux sur leur page My space où la notion de tango n’étant pas rubriquée (sur un site de musique, c’est un peu fort de café), ils se sont inscrits (comme tant d’autres) sous la mention Flamenco. C'est la 3ème version de Libertango pour aujourd'hui.

La Atípica Orquesta de Saxofones au Perro Andaluz [à l’affiche]

La Atípica Orquesta de Saxofones se produit ce soir à 22h, au Perro Andaluz, un restaurant du quartier de San Telmo, déclaré de Interés Cultural et situé rue Bolivar 852.

La Atípica Orquesta de Saxofones est une formation de 8 saxophones (1 soprano, 3 altos, 2 ténors, 1 baryton et 1 basse) et rassemble trois femmes et cinq hommes dont le responsable du groupe, Gabriel Cardone, au saxo basse. Ils ont été distingués en 2005 par les Premios Gardel a la Música Argentina et ont été programmés dans le Cycle des Bares Notables 2006. Leur répertoire porte sur les classiques : Troilo, Pugliese, Piazzolla, Balcarce, Plaza, Alfredo Gobbi, Filiberto, Mores dans des arrangements sur mesure pour ces instruments fort rares dans le monde du tango.

La Atípica Orquesta de Saxofones joue parfois en plein air, à la Feria de San Telmo le dimanche. Leur disque A modo de tango (en guise de tango) est édité par Warner Music et a traversé les frontières. Nous sommes censés pouvoir le trouver en Europe (je suppose qu’il doit cependant falloir le chercher un peu tandis que sur le site de Zivals, on l’a tout de suite, et on a même le choix entre deux couvertures différentes !).

Vous pouvez en apprendre plus sur eux en allant naviguer sur leur site et les écouter en vous connectant à leur page My Space. Ils ont mis en écoute leur version de La Cumparsita et celle de Libertango (une de ces interprétations légères complètement à l'inverse de ce que fait El Afronte... article suivant).

Identidad Porteña à Boedo [actu]


Ci-contre : extrait d'une page de Clarin...


Le Ministre de la Culture et président de l’Office du Tourisme de Buenos Aires, Hernán Lombardi, a présenté la semaine dernière, en compagnie du Secrétaire d’Etat au Tourisme (gouvernement fédéral), le programme de la Ville pour renforcer l’identité et la visibilité touristique du quartier de Boedo, un quartier marqué, dit-il, par le tango (Sur, Boedo entre autres chefs d’oeuvre), par la poésie (Homero Manzi, Cátulo Castillo et son père José González Castillo, Julián Centeya, grand poète de lunfardo et grand poète en général, et tous les écrivains du célèbre Grupo Boedo qui se réunissait non loin de la esquina San Juan y Boedo) et enfin, ne l’oublions pas, par le football (la prestigieuse équipe du Club San Lorenzo de Almagro restée sur le territoire du quartier voisin mais qui a été fondée au début du 20ème siècle quand Boedo et Almagro ne faisait qu’un)

L’idée est d’étendre le tourisme jusque dans ces quartiers légèrement excentrés dont Hernán Lombardi déplore qu’ils attirent peu de touristes. L’Office vient donc de lancer toute une campagne impliquant les cafetiers et restaurateurs, les marchands de journaux, les commerces de bouche et les habitants. Le programme se pliera aux standards du Système Argentin de Qualité Touristique dont le ministre portègne a signé la charte le 22 octobre dernier, dans les locaux du Centro Cultural Julián Centeya, situé avenida San Juan à la hauteur du 3255 (1).

Boedo a été choisi pour démarrer cette campagne, intitulée Identité Portègne, parce qu’il rassemble aux yeux du Ministre les caractéristiques idéales pour élargir ses attraits pour les touristes. Il est vrai aussi que c’est un quartier où vit la classe moyenne, un quartier qui se porte plutôt bien (pas de gros travaux de restauration à envisager) et qu’il est déjà assez bien connu, ne serait-ce que pour le café restaurant de Cena-Show (hyper-touristique, il faut voir les prix !) Esquina Homero Manzi, un établissement frère de la Esquina Carlos Gardel tout près de l’Abasto, à la limite entre les quartiers Balvanera et Almagro.

La campagne menée par l’Office va consister à améliorer et renforcer la signalisation touristique en y introduisant une signalisation thématique (on va poser 12 panneaux portant la mention Buenos Aires Ciudad Literaria Barrio de Boedo) et identifier les lieux liés à l’histoire du San Lorenzo. L’adhésion à la Charte du Système Argentin de Qualité Touristique va entraîner le déploiement d’une campagne de sensibilisation aux bonnes pratiques avec mise en place de programmes de formations spécifiques pour les professionnels et des actions de conscientisation à l’adresse des particuliers boedenses.

Des cours gratuits de tango baile et des milongas seront proposés par le Centro Cultural Julián Centeya (ça, ça va faire venir du monde, c’est certain). Les cours de tango donnés dans les écoles privées du quartier bénéficieront d’un effort publicitaire. L’année prochaine, Boedo sera une annexe du quartier-général du Festival de Tango de Buenos Aires (il est probable que le QG restera au Salón Harrods rue Florida, comme en août dernier). Les Bares Notables du quartier auront droit à un renfort de programmation et une série de visites guidées du quartier sera mise en place.

L’Office de Tourisme éditera aussi du matériel nouveau, guides, plans, brochures, et va se lancer dans un lobbying intense auprès des Tour opérateurs.

Enfin la ville a ouvert il y a quelques mois un nouveau site internet interactif : Mi Buenos Aires Querible (Mi BAQ pour les intimes) en référence au tango créé par Carlos Gardel (Mi Buenos Aires Querido). On peut déjà en décharger un Guide Complet (Guía completa) de 292 pages uniquement en espagnol et en noir et blanc, en version pdf (de la page 128 à la page 292, ce n’est plus un guide mais un énorme quiz où vous pourrez, si le coeur vous en dit, tester vos connaissances de l’histoire culturelle de Buenos Aires : vous avez intérêt à bûcher avant et à vous mettre à l’espagnol dare dare et dans sa version argentine encore !).

Le Ministre avait promis que les pages du site concernant Boedo allaient très prochainement s’enrichir et offrir à l’internaute une information exhaustive. A vous d’en juger et la qualité et l’exhaustivité. En ce qui me concerne, cela me fait plaisir de constater que la première adresse qui apparaisse sur la page actuellement soit celle de la Esquina Osvaldo Pugliese, un café-restaurant que j’aime beaucoup pour sa carte excellente et copieuse et son abondante collection de souvenirs d’Osvaldo Pugliese accrochés aux murs, partout, du sol au plafond. Et puis, ils ont les jeudis, vendredis et samedis de bonnes soirées musicales à prix normaux.



(1) A Buenos Aires, on numérote les édifices en fonction de leur distance en mètres par rapport à la Avenida Rivadavia dans les rues orientées nord-sud, ou par rapport au Río de la Plata dans celles orientées est-ouest (c’est le cas de San Juan). Dans le plan quadrillé de Buenos Aires, où les rues se croisent à angle droit tous les 100 mètres, les courbes ou les obliques par rapport à ces quatre points cardinaux sont très rares. Lorsque vous vous plongez dans la ville, ce système de numérotation vous permet assez vite de vous repérer et de savoir au seul énoncé de l’adresse vers où vous devez aller et à quelle distance se trouve votre destination.

El Afronte dedans-dehors [à l’affiche]

El Afronte a Maldita Milonga (page web de l'orchestre)

El Afronte est une Orquesta Típica composée de trois violons, dont le premier est aussi le chef d’orchestre et compositeur du groupe Gabriel Atúm, d’un violoncelle, de quatre bandonéons, d’un piano, d’une contrebasse, d’un chanteur (qui est aussi le webmaster du site internet) et, cerise sur le gâteau, ils ont même une danseuse toute seule...

Par les temps qui courent, un ensemble de 12 artistes dont une masse de10 instrumentistes, c’est déjà "du bon" orchestre, comme on dit dans les faubourgs de Paris quand la taille ou le volume impose le respect...

Indépendamment de la taille, c’est un orchestre original qui a été déclaré de Interés Cultural en 2006 par le précédent gouvernement de la ville de Buenos Aires et qui présente un répertoire mêlant oeuvres classiques des grands devanciers (Di Sarli, Troilo, Pugliese, Piazzolla...) et morceaux originaux de la main du premier violon.
El Afronte est adhérent à l’Unión de Orquestas Típicas dont ils furent l’un des orchestres fondateurs en juin 2005 et dont ils respectent bien évidemment les règles très contraignantes : ne jouer qu’avec les instruments típicos (pas de synthé, pas de guitare électrique, pas de vent ni de cuivres...), développer leurs propres arrangements des morceaux d’autrui et enrichir le trésor commun du répertoire avec leurs propres oeuvres.

Cet ensemble a été fondé le 11 décembre 2004 à l’initiative de Gabriel Atúm qui s’est immédiatement mis à la construction d’un répertoire à base d’arrangements originaux. C’est un orchestre socialement engagé, dans la promotion et la défense de la culture populaire et qui poursuit ouvertement un objectif politique d’accès des classes défavorisées à la culture, au savoir, à l’instruction. En cela, ils s’inscrivent clairement dans la grande tradition d’un Homero Manzi ou d’un Osvaldo Pugliese, tous ces artistes qui ont mouillé leur chemise pour ouvrir l’horizon des moins bien lotis... L’UOT trouve d’ailleurs l’une de ses origines dans le travail social qu’un directeur de Centre culturel de quartier, Ildefonso Pereyra, a déployé, après la crise de 2001, pour soutenir les habitants de la zone.

Sur leur site, vous pouvez écouter (et même télécharger) deux morceaux, tirés l’un et l’autre du disque Tango al Palo (1). Ils ont déjà sorti trois disques, dont deux sont encore disponibles dans le commerce. Je regrette personnellement qu’ils aient choisi uniquement deux instrumentaux. On aimerait, je pense, entendre aussi, même sans télécharger, la voix de Marco Bellini... Leur arrangement de Libertango (d’Astor Piazzolla) est impressionnant. La plupart des musiciens jouent ce tango avec une certaine légèreté, de l’entrain, voire pour beaucoup une forme d’allégresse. Mais El Afronte vous met dans les tympans un drame beethovenien, tout à fait splendide et qui ne trahit en rien la musique de Piazzolla...

Toute l’année, El Afronte se produit en vivo dans une milonga du mercredi soir, Maldita Milonga, rue Perú 571 dans le quartier de San Telmo. Ils continueront jusqu’à la fin de l’année. A Maldita Milonga, la soirée commence par un cours, à 21h. L’orchestre se met à jouer, à une heure raisonnable : 23h (entrée 12 $).
Maldita Milonga, qui existe depuis la mi-2007, fait partie d’un plus vaste projet culturel, Buenos Aires Tango Club, où interviennent d’autres artistes et groupes avec une offre complète intégrant la musique, la danse, le théâtre...

Par ailleurs, tous les dimanches, sauf s’il pleut, El Afronte est à la Feria de San Telmo où ils s’installent pour jouer rue Humberto 1er au n° 343 entre 12h30 et 17h30. C’est un concert en plein air, a la gorra bien sûr (au bon coeur des passants qui s’arrêtent pour les écouter).

Le 14 novembre, ils joueront en direct sur les ondes de La 2x4, dans l’émission de Gogo Safigueroa, Los Tres Berretines, de 15 à 17h (comptez - 3 h depuis l’Union Européenne continentale). Branchez-vous donc à l’heure dite sur le streaming du site.

(1) vous pouvez l’entendre comme Tango au gibet, Tango à la barre, Tango à la cognée...

mercredi 29 octobre 2008

Incursion dans le tango de Celeste Carballo [à l’affiche]

Photo de Celeste Carballo chantant du tango en 2006 (extraite de son site)


CC (comme on la surnomme volontiers) est une célèbre (et très estimable) chanteuse de rock qui vient de se convertir au tango (vous assistez presque à la métamorphose en direct). Son premier disque dans le genre, Celos, rempli de compositions personnelles (elle est auteure-compositrice-interprète), sort en cette fin d’année.

Elle a trouvé son chemin de Damas tanguero alors qu’elle partageait la scène avec Daniel Melingo, invitée par lui dans son tour de chant quelques semaines durant. Soudain le son du bandonéon l’a touchée au vif et réveillée des émotions musicales et artistiques de son enfance dans une famille de Villa Devoto. A 12 ans, à peine plus âgée que son héros, elle faisait pleurer tout le monde à la table familiale en entonnant Chiquilín de Bachín, la célèbre (et splendide) valse d’Astor Piazzolla et Horacio Ferrer créée en 1969 par Amelita Baltar, l’idole de ses jeunes années...

Elle fait longtemps du rock underground avant de sortir son tout premier disque en 1982, l’avant-dernière année de la Dictature Militaire.

Près de Daniel Melingo, Celeste Carballo reçoit une véritable révélation -c’est elle qui le raconte au journaliste de Página/12 qui l’interviewe dans le supplément dominical ЯADAR- et aussitôt elle se met à écrire et à composer des tangos : 14 morceaux en une semaine. "Cela a été un maelstrom tanguero, une découverte. Comme quand tu viens tout juste d’apprendre à faire du vélo, tu ne t’arrêtes pas d’en faire toute la journée. Cela a été une explosion, comme le Big-Bang. J’ai découvert que notre génération (1) n’avait rien dit avec le tango et qu’elle avait beaucoup à dire. Alors il n’y a pas eu une direction thématique mais plutôt une explosion dans tous les sens."
En 2006, Celeste Carballo participe à une série de shows au Centro Cultural Torcuato Tasso, à San Telmo, où des artistes non tangueros furent invités à se confronter à ce genre. Méconnaissable, la chanteuse survitaminée chante posément et avec gravité. Quelqu’un qui est venu écouter et voir la chanteuse de rock punk qu’il aime lui crie depuis la salle : "Mais souriiiiiis !. C’est sûr qu’ils étaient surpris, raconte-t-elle. C’est qu’ils étaient face à quelqu’un d’autre. Une personne qui ne prenait pas les choses à la légère, mais pas du tout, qui montrait un autre visage. Et à ce moment-là, j’ai fait une tête encore pire... Je n’étais pas venue là pour sourire. Le tango, ce n’est pas de la souffrance, mais ce n’est pas de la rigolade le tango, le tango porte sur la vie un regard profond. Je ne suis pas là à chanter l’été, la guitare à la main à côté d’un feu de camp."

Le disque, intitulé Celos (Jalousie), emprunte son titre à un tango de Gotán Project qu’elle y a repris. Edité par BMV Producciones, il est disponible dans le commerce depuis le 2 septembre. Il se compose de plusieurs tangos écrits et composés par elle, Camino real (chemin réel/royal), Qué suerte que viniste (quelle chance que tu sois venu), notamment pendant cette semaine de création bigbanesque, Buenos Aires no tiene la culpa (c’est pas la faute à Buenos Aires), mis en musique par le Maestro José Colángello qui a choisi lui-même ce texte d’elle et quelques grands classiques dont la reprise n’est pas sans péril, comme le très élégiaque El día que me quieras (Carlos Gardel et Alfredo Le Pera) ou le visionnaire et halluciné Preludio para el año 3001 (Astor Piazzolla et Horacio Ferrer, autre morceau créé par Amelita Baltar)...

Le site de Celeste Carballo, Cecewebsite comme elle le surnomme elle-même, ne manque ni de piquant ni d’originalité ni de sens commercial. Elle y expose clairement que son nouveau disque n’est pas une tocade pour épouser l’air du temps ("je ne me suis pas déguisée en tanguera", affirme-t-elle sur la colonne droite de l’écran). Vous pouvez écouter sa musique et sa voix dans la colonne de droite, sur Radiocece (elle y a déposé en écoute libre 4 morceaux correspondant à 4 genres différents de son répertoire) ou dans son espace de téléchargement (vous pouvez y récupérer quelques morceaux en Mp3 et les emporter avec vous dans votre balladeur)... Et vous pouvez même acheter directement ses trois derniers disques... La chanteuse est aussi présente sur My Space.

Dans l’article qu’il lui consacrait dimanche dernier, Página/12 dit d’elle qu’elle a une voix légère comme une plume et une attitude (nous parlerions peut-être plutôt de positionnement) aussi lourd(e) que le plomb. A vous de juger sur pièce...

Celeste Carballo chantera au Teatro Ateneo (Paraguay 918) le 1er novembre à 23h30 pour un show de tango où elle présentera ce nouveau disque.

(1) Elle exagère un peu, CC, en disant ça. Elle est née en 1956 et il y a à Buenos Aires et ailleurs un bon paquets d’artistes tangueros, auteurs, compositeurs, interprètes (sans oublier les artistes plastiques), trentenaires, quarantenaires et cinquantenaires, qui disent ce qu’ils ont à dire et avec talent, en prime ! La rupture entre les générations n’est pas si réelle que ce que l’on se plait à rabâcher. Les ruptures qui ont existé, c’est d’une part une rupture dans le mode de diffusion, notamment commercial, des productions d’après Piazzolla et d’autre part la disparition des grands orchestres de tango qui servirent pendant très longtemps d’école et de lieux de transmission pour les musiciens de tango à un moment où il n’y avait pas d’école, de conservatoire, de liceo superior del tango, toute chose à quoi plusieurs institutions ont à présent remedié (l’école de musique de Avellaneda ou de Morón, les différents orchestres-écoles, les activités pédagogiques de la Academia nacional del Tango, etc...). Mais la création, elle, ne s’est jamais vraiment tarie, en dépit des efforts déployés en ce sens dans les années 70.

Inscription à la Colonia de vacaciones 2009 [actu]

Les grandes vacances approchent et à partir de lundi prochain et ce, jusqu’au 28 novembre, les parents qui le souhaitent sont invités à inscrire leurs enfants à la Colonia de vacaciones (une opération à l’échelle de toute la ville à destination des enfants défavorisés). La Colonia occupera les chères têtes blondes de 4 à 12 ans du 5 janvier au 6 février prochains en leur proposant beaucoup d’activités sportives et quelques ateliers récréatifs (dont le contenu n’est pas précisé davantage).

Pour inscrire leurs enfants, les parents doivent se munir de l’original de la carte d’identité du mineur (faisant foi que l’enfant habite bien Buenos Aires) et d’une photocopie et se rendre dans l’un des bureaux d’inscription. Il y en a un par commune (regroupement administratif de plusieurs quartiers), soit 15 en tout plus 3 autres qui seront spécialement installés dans les parcs Manuel Belgrano, Sarmiento et Polideportivo Chacabuco.

Il y a de la place pour 15 000 gamins. Si le nombre d’inscriptions dépassait ce chiffre, le Sous-Secrétariat au Sport procéderait au tirage au sort des heureux bénéficiaires le 17 décembre (c’est la Loterie Nationale qui procéderait au tirage). On ne mettra pas à profit le mois de décembre pour chercher des fonds, pour en appeler à la générosité de sponsors et accueillir tout de même les gamins en surnombre...

Cette année, l’opération se déploiera sur 10 parcs et complexes multi-sports situés le plus souvent au sud et à l’ouest de la ville, donc à proximité des quartiers défavorisés.

Les futurs moniteurs, quant à eux, sont appelés à présenter leur candidature aux différents postes à pourvoir. Ils ne pourront adresser cette candidature qu’en ligne, via la page consacrée à ce programme sur le site Internet de la Ville de Buenos Aires. Ce qui veut dire que tout acte de candidature a un coût : soit le candidat dispose chez lui d’une connexion internet (qu’il faut bien payer), soit il faudra qu’il achète son temps de connexion dans un locutorio (et ce n’est pas donné pour tous) (1). La Ville recrute des professeurs d’éducation physique, des étudiants en éducation physique et des instituteurs (2).

A Buenos Aires, il n’est pas étonnant de voir des enseignants travailler pendant les vacances scolaires. On est à mille lieux de la grosse blague française visant le personnel de l’Education Nationale : "Donnez-moi trois raisons pour lesquelles vous avez choisi le métier d’enseignant... Juillet-août-septembre" (3). En Argentine, aucune loi n’interdit le cumul des emplois et heureusement, car c’est la seule façon dont une très grande partie de la population peut arrondir ses fins de mois et faire bouillir la marmite, les artistes étant bien sûr des champions incontestés en matière de semaines de travail en deux temps complets et le week-end aussi...

(1) Le fait que les services des locutorios soient chers pour bon nombre de personnes m’a été démontré un soir que je me plaignais de la médiocre qualité de la connexion sur l’ordinateur mis à disposition des clients de l’hostel où je logeais. La personne avec qui je parlais m’a aussitôt conseillé d’aller dans un locutorio. J’ai ouvert la bouche pour dire non (parce que les locutorios n’étant ouverts qu’en journée avaient des horaires incompatibles avec mon emploi du temps) et spontanément cette personne, prête à s’excuser et oubliant que j’étais une touriste européenne, m’a dit : "ah, c’est cher peut-être ?" L’expression navrée de son visage, alors qu’elle prenait soudain conscience -mais à tort- de m’avoir conseillé quelque chose qui n’entrait pas dans mon budget, est un souvenir que je ne suis pas prête d’oublier. Je crois qu’elle m’en a davantage dit sur les difficultés de joindre les deux bouts en Argentine que le spectacle, pourtant éprouvant, des bouts de chou qui mendigotent dans le métro en faisant trois petites pirouettes, au lieu d’être à l’école comme la loi leur en fait obligation.
(2) le communiqué du 24 octobre paru sur le site de la ville parle ici de maestras de educación inicial. Ne voyant pas, dans une ville si soucieuse de l’égalité en droit entre hommes et femmes, de raison valable d’exclure les hommes, même s’il s’agit de s’occupe des tout-petits de 4 ans, je suppose qu’il y a là une erreur typographique comme il s’en présente parfois dans les communiqués officiels et que le recrutement concerne en général des maestros, hommes et femmes confondus... Mais je peux me tromper.
(3) Ce n’est d’ailleurs plus d’actualité car la rentrée a désormais lieu au début du mois de septembre. Elle avait lieu vers le 15 décembre il y a un quart de siècle et à la fin décembre avant-guerre, lorsque se terminait la saison des récoltes à laquelle les enfants de paysans participaient.

Création d’une police métropolitaine à Buenos Aires [actu]


Photo DyN (Pagina/12 du 29.10.08)
Mauricio Macri salué par un vigilante de la police fédérale

L’idée n’est pas nouvelle. Elle était déjà dans l’air sous le mandat de Jorge Telerman (chef du gouvernement portègne jusqu’au 9 décembre 2007, du Partido Justicialista) et elle figure en bonne place dans le programme de gouvernement de Mauricio Macri, le chef de Gouvernement de Buenos Aires en fonction (droite libérale). Au début, il était plutôt question de trouver un accord avec le Gouvernement national pour que les effectifs de la Police Fédérale opérant à Buenos Aires soient placés sous le contrôle du Gouvernement de la Ville mais un tel accord ne pouvait qu’avorter puisque Présidente et Chef de Gouvernement sont, depuis leurs prises de fonction respectives et quasi-simultanées, campés dans une opposition frontale l’un à l’autre, ce qui ne les empêche nullement de clamer à tout bout de champs qu’ils n’aspirent qu’à une saine coopération dans le respect mutuel et pour le bien de tous... Ils viennent encore d’en donner une cinglante démonstration avec un duel à fleuret à peine moucheté, au Museo de los Inmigrantes, l’ancien Hotel de los Inmigrantes d’affreuse mémoire, lors d’une cérémonie officielle autour de trois projets sélectionnés pour les célébrations du Bicentenaire dans la Capitale.

L’Assemblée législative de Buenos Aires (la Legislatura) a donc adopté, avec une large majorité, une loi créant un nouveau corps de police et l’institut de formation qui va avec (ou avant). Cela faisait 7 mois que le projet de loi avait été déposé par le Gouvernement sur le bureau de la Legislatura. Le vote s’est départagé entre 42 pour et 13 contre, les pour venant de la majorité gouvernementale (el macrismo) mais aussi du bloc kirchneriste (la tendance majoritaire du PJ) et des socialistes. La Coalición Cívica, qui appartient à l’opposition nationale comme Mauricio Macri, a voté contre, Igualdad Social (Egalité sociale) et Nueva Izquierda (Nouvelle gauche) aussi. Encore des lignes de démarcation politique qui se déplacent...

La Policia Metropolitana sera un corps de sécurité, composé de policiers armés, formés à l’Instituto Superior de Seguridad Pública, créé dans la foulée, et assurera des missions de prévention et de protection des biens et des personnes, sur le territoire de la Ville (202 km2), avec les mêmes prérogatives que la Police Fédérale (celle à laquelle appartient le brave planton, la plupart du temps sympathique et chaleureux, qui surveille la rue devant l’agence bancaire implantée sur la esquina, avec sa casquette à visière rigide visée sur la tête et son gilet fluo orange sur le dos : el vigilante).

En début de carrière, un policier métropolitain percevra un salaire de 3000 $Arg (ce qui est plutôt généreux et va attirer des candidats... mais par ailleurs il n’y a pas un centavo pour accorder aux enseignants les 20% d’augmentation qu’ils réclament dans ce pays où l’inflation flirte avec les 25% l’an). Le gouvernement disposera d’un budget de 205 millions de pesos sur ce chapitre en 2009. On attend la première promotion de policiers issus de l’ISSP en octobre 2009 (comme il serait on ne peut plus surprenant que les cours commencent avant mars, il s’agira donc d’une formation-éclair).

A Buenos Aires, on institue donc une police supplémentaire. Dans la province de Buenos Aires, tenue par les péronistes, le Gouvernement Daniel Scioli envisage de durcir la répression contre les délinquants en abaissant dans la Province l’âge de la responsabilité pénale. Il est vrai que ces dernières semaines ont été riches en faits divers crapuleux, tous plus ignobles les uns que les autres, et que l’opinion publique s’en émeut légitimement. Il y a peu, on a ainsi arrêté pour meurtre un collégien bonaerense. Hier, ses professeurs ont publiquement pris sa défense : ils pensent que l’adolescent, qui n’a pas d’après eux le profil d’un homicide, est accusé parce qu’il appartient à un milieu défavorisé.

En réponse à cette montée de politique sécuritaire à droite comme à gauche, la Présidente s’oppose avec force à toute modification des lois au niveau national. Elle tient fermement que c’est à la racine qu’il faut traiter le problème en améliorant les conditions de vie des couches les plus modestes et en favorisant leur accès à l’emploi ou à l’activité économique du maximum de personnes.

Reprise pour Jacqueline Sigaut et Néstor Basurto au Vesuvio [à l’affiche]

La chanteuse Jacqueline Sigaut et l’auteur-compositeur-interprète Néstor Basurto reprennent ce jeudi 30 octobre leur spectacle de la semaine dernière au même endroit : la confiteria El Vesuvio, située à quelques mètres à l’ouest de l’Obélisque sur la Avenida Corrientes.
Ce sera à 20h30. L’entrée est fixée à 25 $.

Une soirée de bon tango, pleine d’humour et avec des musiciens invités, selon la définition qu’ils donnent eux-mêmes de leur show, intitulé Porque Quieren (parce qu'ils aiment ça, parce qu'ils le veulent).

Les sites de Jacqueline et de Néstor sont à visiter si vous ne connaissez pas déjà ces deux artistes. Et à plus forte raison si vous les connaissez....

mardi 28 octobre 2008

Plan social gouvernemental pour les AFJP [actu]

Le dessin à la Une du 29 octobre de Pagina/12 (ajouté le 29.10)

Je ne résiste pas au plaisir de vous partager ce monument de mauvaise foi affichée et revendiquée.

Le petit gros : Les AFJP proposent un système mixte
L'autre : comment ça ?
Le petit gros : les retraités passent à l'Etat et les contributions, c'est elles qui se les gardent...

Après l’annonce, mardi dernier, du prochain vote par le Congrès d’un projet de loi visant à convertir les fonds de pension privés (AFPJ) en un système par répartition généralisé et obligatoire, l’Etat argentin vient de mettre en place un comité ad hoc composé de représentant du Secrétariat d’Etat au Travail, de l’ANSeS (l’Administration de la Sécurité sociale), de l’organisme de contrôle des AFPJ (Superintendencia) et de la Direction de la Fonction publique (Secretaria de la Función Pública). La mission de ce comité est de veiller à la préservation des emplois des 11 000 salariés des 10 fonds de pension existants (1) et d’envoyer tout de suite un signal fort, destiné à rassurer ces salariés et leur famille, dont on imagine l’inquiétude depuis une semaine. On estime que 74% (2) de ces salariés touchent moins de 4000 $ mensuels, ce qui les met dans la tranche des ayant-droits aux allocations familiales (qui, en Argentine, ne sont distribuées qu’à la couche pauvre de la population, cf. l’article à ce sujet en date du 21 septembre). Il y a donc fort à parier que sur le plan financier, ces salariés ne perderont pas grand chose à passer, s’ils acceptent ce changement de statut, dans différents organismes publics.

Alors même que la loi n’est pas encore passée et ne sera de toute façon effective qu’en janvier, on sait déjà que tout le personnel médical, technique, administratif et de service des commissions médicales des AFPJ (3) sera repris par la Direction des Risques du Travail (appartenant au système de sécurité sociale). Quant aux salariés de l’AFPJ Nación, filiale de la Banque d’Argentine, ils seront reclassés au sein de la société-mère, le Banco de la Nación.
Pour les autres, il y aura ceux qui resteront dans les AFJP réduites, qui n’opèreront plus qu’un régime de retraite par capitalisation sur base volontaire et individuelle. D’autres seront affectés à l’ANSeS qui va avoir besoin de monde puisque le nombre de ses affiliés va augmenter (le nouveau régime s’imposera à tous les employeurs et bénéficiera à tous les salariés employés par des sociétés). D’autres, dans les provinces, pourraient se voir reclassés dans d’autres secteurs d’activité au sein des bassins d’emplois locaux... Le Gouvernement attend aussi des maisons-mères (banques, assurances) des 9 fonds du secteur privé qu’elles aient l’élégance de reclasser en interne les personnels dont l’emploi est condamné au sein de l’AFPJ. Et le Secrétariat d’Etat au Travail prévoit aussi que certaines personnes profiteront de l’occasion pour s’établir à leur compte (ce qui est fort probable dans un pays comme l’Argentine dont les habitants sont, faiblesse de l’Etat-Providence oblige, incroyablement débrouillards, dynamiques et travailleurs).

Aujourd’hui, le Comité invite à la table de négociation les représentants patronaux des AFJP (Administradoras de Fondos para las Jubilaciones y Pensiones) et les représentants des syndicats pour établir contradictoirement un bilan social exact du secteur : nombre de salariés effectifs, montant exact des salaires versés, affectations et situations individuelles, ceci afin de définir quelle sera la population à reclasser en fin de compte.

Isolée sur sa position au milieu de ses pairs, une organisation salariale soutient le système tel qu’il existait et refuse l’idée que le personnel passe à l’Etat. Il s’agit de la branche syndicale de l’Assurance, minoritaire dans les AFJP qui dépendent majoritairement du secteur du Commerce.(4) Et cette organisation syndicale est bien seule dans ce cas. Avec les Directions des AFPJ, qui la semaine dernière protestaient de leur bonne foi, prenait Dieu et la terre toute entière à témoin de l’indécente violation de leur droit d’exercer librement leur honorable profession avec la probité qui avait toujours été la leur (j’en passe et des meilleures) et dont on vient d’apprendre (les langues se délient) qu’elles ont elles-mêmes provoqué leur malheur en en appelant en sous main, il y a 15 jours, à l’intervention de l’Etat pour compenser, sur fonds publics, la baisse dramatique de revenus qu’allaient subir les retraités actuels en octobre (because krach boursier). Parce que ces revenus sont de deux types : ou bien des rentes viagères mensuelles fixes assises sur un système d’assurance-vie, ou bien la liquidation mensuelle des plus-values du mois provenant des placements réalisés à partir du compte individuel du salarié. Donc le revenu mensuel du retraité dépend dans ce cas du cours de la bourse à l’instant T. 294 000 retraités des AFPJ sont concernés, soit 67% des retraités assujettis au système de retraite par capitalisation. Le 20 octobre, au moment de l’annonce du Gouvernement, les pertes subies par les AFPJ allait de 15,3% pour l’AFPJ Profesión (Nación était à -15,4) à 17,2% pour Arauca (par rapport à la valeur moyenne de l’année 2007). Cette année, ces retraités-là ont vu leur revenu mensuel baisser 8 fois en 8 mois (dont -10,08% en juillet, la plus forte baisse de l’année jusqu’à ce qu’octobre s’annonce encore plus catastrophique).

Les états des lieux qui sont établis en ce moment, par les enquêtes menées depuis une semaine par les journalistes et à travers les déclarations du Gouvernement qui justifie sa décision, révèlent des scandales à peine imaginables pour nous, Européens :

Les fonds de pension auraient, d’après le Gouvernement, laissé 41% de leurs affiliés cotiser pour des sommes qui ne leur permettraient même pas aujourd’hui, alors qu’ils sont à quelques années de la retraite, de toucher le minimum versé par le système par répartition (l’Etat va devoir mettre la main à la poche pour garantir à ces gens ce revenu minimum, fixé à 690$/mois, ce qui n’est pas lourd : lire à ce propos l’article sur le panier de la ménagère, du 10 septembre dernier).

Les 10 AFPJ ont pratiqué une politique de salaires fort peu décente vis-à-vis de leur 10 171 salariés (alors que les caisses prélevaient sur les sommes déposées par les affiliés une commission de 35 à 40% !) (5).

Quant aux capitaux collectés pendant les 14 ans de vie du système, qui a donc connu le krach bancaire de 2001, ils avaient déjà subi des pertes colossales bien avant le dernier choc boursier. Les 9,5 millions d’affiliés qu’ont compté les 10 caisses pendant ces 14 années ne pourraient pas recevoir plus de 9 928 $ chacun en moyenne alors que les dépôts s’élèvent pour cette seule année 2008 à 4000 millions. Página/12 a calculé que pour toucher 1$ de retraite dans ce système, il faudrait en avoir versé 178.


(1) chiffre approximatif, correspondant aux estimations du Secrétariat d’Etat au Travail. La loi oblige les entreprises à déclarer toute sorte de données sociales et économiques mais en Argentine plus on a de sous et moins on s’encombre de respecter la loi. De toute manière, l’Etat n’a pas les moyens d’entretenir un vrai appareil de contrôle et de répression efficace (la preuve : l’inefficacité de la Superintendencia de las AFPJ qui aurait dû pouvoir mettre fin à toutes ces mauvaises pratiques qui éclatent au grand jour aujourd’hui). Les chiffres avancés par l’INDEC, l’institut de statistiques national, sont donc toujours à prendre avec une grosse marge d’erreur. Selon Página/12, le plus polémique des quotidiens de gauche, le chiffre avoisinerait les 11 000. Il y a une semaine, les journaux avançaient plutôt le chiffre de 10 500. Aujourd’hui, Clarín, qui est plus objectif que son confrère, parle de 10 171 salariés déclarés par les AFPJ.
(2) Página/12 dit avance le ratio de 90% des salariés. Là aussi, il est possible de lire une certaine exagération à visée polémique.
(3) Ces commissions effectuaient les expertises nécessaires à la liquidation d'une prestation d'invalidité.
(4) Revendiquer la totalité de cette activité et ne pas laisser la main aux banquiers (qui dépendent eux de la loi sur le Commerce) sur ce type d’opération est une vieille exigence du secteur de l’assurance qui l’exprime depuis 14 ans sans discontinuer. En 2001, le krach bancaire leur a donné raison. Et le krach actuel ouvre un nouveau boulevard à cette revendication... Les salariés de ce syndicat font du sitting devant le siège de leur établissement pour exprimer leur désaccord avec la mesure gouvernementale, mais ils représentent sans doute moins de 20% de l’effectif de leur entreprise. En tout cas, il n’est peut-être pas complètement idiot de penser que, sous le régime de l’assurance, la situation aujourd’hui aurait peut-être été un peu meilleure, au moins pour les retraités eux-mêmes, puisque les seuls qui s’en sortent vaille que vaille dans ce système sont ceux qui ont souscrit de fait une assurance-vie (soit 33% des retraités actuels des AFPJ).
(5) Le Secrétariat d’Etat au Travail, Carlos Tomada, a d’ailleurs fait savoir, haut et fort, que la reprise par les services de l’Etat des personnels licenciés par les AFPJ n’exempteraient en aucune façon ces dernières de régler à leurs salariés congédiés les indemnités de licenciement qui leur sont dues aux termes de la loi. Sur le plan strictement juridique, le raisonnement ne tiendrait guère debout au sein de l’Union Européenne puisque les AFPJ sont contraintes à ces licenciements par un cas de force majeure (décision de l’Etat), mais quand on regarde la situation économique concrète, Carlos Tomada a tout simplement décidé de faire cracher au bassinet les AFPJ pour toutes les fois où elles n’ont pas respecté leurs obligations d’employeur. On peut penser que ce n’est que justice mais façon Robin des Bois, ce qui n’aide pas le pays à s’installer dans le respect des lois, installation qui est sans nul doute la dernière étape qui lui reste à franchir dans son processus de retour à la démocratie).

lundi 27 octobre 2008

Sport et Dictature : un premier cycle de cinéma et conférences [actu]

C’est le quotidien Página/12 qui consacre aujourd’hui un article complet à cette manifestation de réflexion et de souvenir sous le titre Quand la terreur atteignait le sport (Cuando el terror alcanzó al deporte). Ce 1er cycle de Documentaires sur le Sport, les Droits de l’Homme et la Dictature se déroulera ce soir et demain, au Teatro La Máscara (Piedras 736), et portera sur les atteintes aux droits de l’homme qui furent commises dans un domaine dont on croit parfois mais bien à tort qu’il fut laissé en marge de la machine répressive de la Dictature.

A 18h30, ce soir, on verra un long métrage réalisé par trois Brésiliens (Marcelo Outeiral, Marcos Villalobos et Milton Cougo, intitulé Atletas y dictadura, la generación perdida. La projection sera suivie d’un débat sur le thème des sportifs disparus, avec la participation du Secrétaire d’Etat aux Sports (Gouvernement fédéral), Claudio Morresi, du cinéaste Marco Villalobos (l’auteur brésilien sidéré par la quantité de sportifs engagés existant ou ayant existé en Argentine au temps de la Dictature et de l’Opération Condor), Verónica Sánchez Viamonte, fille d’un athlète disparu, et Patricia Valdez, de l’association Memoria Abierta (mémoire ouverte).

Le lendemain, sera projeté Mundial 78, verdad o mentira et le débat portera sur La Dictature et la Coupe du monde 1978 (1). Y participeront une députée fédérale, l’un des membres de le sélection nationale de l’époque, la journaliste et ex-prisonnière disparue Miriam Lewin et le réalisateur du documentaire.

Atletas y dictadura se compose de 4 tableaux :
El equipo perseguido (l’équipe persécutée) est consacré aux rugbymen du La Plata Rugby Club, grande institution du rugby professionnelle des années 70 dont 17 joueurs disparurent. L’un des survivants de cette époque, Raúl Barandiaran, raconte ce que fut cette épopée humaine et sportive, cette équipe qui cultivait l’esprit de liberté, de bonne camaraderie, de jeu propre, d’honnêteté et plaçait les valeurs de l’être avant celles de l’avoir. Et c’est cette manière de se poser et de se vivre en société qu’auraient voulu, d’après lui, détruire les hommes de main (tareas) qui ont arrêté et fait disparaître ses 17 camarades sans l’absence desquels on dit que le Plata Rugby Club serait devenu Champion d’Argentine.
Una vida en las canchas (une vie sur les courts) raconte la vie d’un étudiant en droit de l’Université de Buenos Aires, grand champion de tennis junior, Daniel Schapira, arrêté le 7 avril 1977 esquina San Juan et Boedo (dont j’ai l’habitude de vous parler pour des faits moins dramatiques. Je ne me souviens pourtant pas d’avoir encore vu à aucun des quatre angles de ce carrefour l’habituelle et terrible petite plaque qui signale sur le sol l’emplacement d’une disparition sous la Dictature). Ce jeune homme n’a jamais été revu depuis. Il était marié et sa femme était enceinte d’un mois. Elle disparut elle aussi quelques temps plus tard, laissant leur fils unique, Daniel, qui rend témoignage à ces parents qu’il n’a pas connus mais il se dit fier "de mi viejo (2) Daniel y de mi vieja Andrea, porque se la jugaron, soñaban un país distinto, militaban para que las cosas cambiaran, dentro de un movimiento como el peronismo" (de mon papa, Daniel, et de ma maman, Andrea, parce qu’ils ont pris des risques, ils rêvaient d’un pays différents, ils militaient pour que les choses changent dans un mouvement comme le péronisme). Son oncle donne également son témoignage dans le film.
Una flor arrancada (une fleur arrachée) se penche sur l’histoire d’une joueuse de hockey, Adriana Acosta, la toute première sportive disparue sur laquelle on ait des informations. Elle avait 22 ans lorsqu’un groupe d’hommes de main l’ont enlevée le 27 mai 1978, pendant la Coupe du Monde de football, dans une pizzeria du quartier de Villa Devoto. Sa maman témoigne : quand Adriana a commencé à me raconter qu’il y avait des gens qui disparaissaient, je lui ai dit : "Adriana, tu es tellement innocente qu’on peut te fourrer n’importe quoi dans la tête. Comment veux-tu que des gens disparaissent ? Mais non, on les a arrêtés et bientôt ils vont les relâcher."
Maratón sin fin, la dernière partie, parle d’un athlète militant dans la Jeunesse Péroniste, Miguel Sánchez, 25 ans au moment de son enlèvement le 8 janvier 1978, dans la ville de Berazategui. Là encore, ceux qui l’ont connu, ses frères et soeurs, son entraîneur disent qu’il aurait atteint des sommets tant le sport le passionnait. De nos jours, il arrive que des marathons soient organisés à sa mémoire à Buenos Aires, à Berazategui, à Tucumán et même à Rome.

Dans le segond film, Mundial 78, verdad o mentira, on voit intervenir des joueurs de la sélection nationale, des dirigeants du foot de l’époque, des militants, des journalistes. On y parle de ce match de quart de finale que l’Argentine, qui n’avait pas encore vraiment brillé sur le terrain, remporta avec le score étonnant de 6 à 0 contre le Pérou, dont le gardien de but était... né en Argentine. On y analyse le rôle d’un militaire, Carlos Alberto Lacoste, membre de l’équipe organisatrice, qui ne rendit jamais publics les comptes financiers de l’organisation de la Coupe. On y entend des gens qui étaient alors prisonniers à la ESMA (Ecole Supérieure des Mécaniciens de la Marine (3) qui servait alors de centre de détention et de torture, devenue en septembre 2007 un musée dédié à la mémoire des victimes de la Dictature). Les locaux de la ESMA se trouvent dans le quartier de Palermo, pas très loin del Estadio Monumental où se joua cette finale historique, la première victoire argentine en Coupe du Monde qu’en juin toute l’Argentine a commémoré dans un mélange contradictoire de fierté et d’amertume difficilement supportable.




(1) gagnée à domicile, au Stade Monumental, dont l’équipe résidente est le Club River Plate, par l’Argentine contre les Pays-Bas, dans les dernières minutes de la rencontre, et grâce à une qualification on ne peut plus douteuse contre le Pérou en quart de finale, qualification dont le soupçon blesse encore, 30 ans plus tard, la fierté et l’honneur des Argentins.
(2) viejo, vieja (lunfardo) : littéralement le vieux, la vieille. Une façon de désigner le père et la mère que je ne peux absolument pas ici, dans un contexte aussi solennel, traduire par "mon vieux", "ma vieille". En français, cette manière de s’exprimer est un manque de respect envers les personnes auxquelles elles se réfèrent. Le fils, la fille, en français, emploient ce terme argotique loin des oreilles parentales et généralement parce qu’il y a désaccord, conflit ou tension entre parent et enfant. A Buenos Aires, on peut se tenir en face de son père ou de sa mère et l’appeler, avec une immense affection, Viejo, Viejito, querida vieja, Viejita. Carlos Gardel, qui vénérait sa mère, employait ce mot à tout bout de champ, même en public, même devant le micro. J’ai moi-même entendu le Maestro Acho Manzi me parler ainsi d’un père de si heureuse mémoire, le poète et cinéaste Homero Manzi, et il y a peu, j’ai reçu d’un de mes amis dont la mère vient de disparaître un mail poignant où il me parlait de la gentillesse et de l’humour de "mi vieja"...
(3) Armada en espagnol. L’invincible Armada, défaite par la flotte de Sir Francis Drake au 16ème siècle, c’était la Marine invincible. ESMA : Escuela Superior de Mecánicos de la Armada.

Hommage à María Elena Walsh [actu]

Photo publiée par Pagina/12 le 25.10.08


Vendredi, le Circolo Italiano, institution socio-culturelle d’origine italienne, a rendu, lors d’une grande fête en plein air, un hommage vibrant à une artiste complète, la Maestra María Elena Walsh, dramaturge, romancière, compositrice et poète de tango qui a à son actif plus de 50 livres dans des genres très variés.

Le tout premier, Otoño Imperdonable (automne impardonable), elle l’a éditée avec ses propres sous en 1947, elle avait alors une petite quinzaine d’années. Parmi ses oeuvres anciennes les plus connues, Canciones para mirar (1962) et Doña Disparate y Bambuco (1963), pièces de théâtre pour les enfants. Pour les adultes, Página/12 cite Fantasmas en el parque. Les trois oeuvres font partie des rééditions partielles que sort en ce moment en deux volumes la Editorial Alfaguara.

En présence d’un certain nombre de personnalités du monde artistique, dont le président de l’Académie Argentine des Lettres, le chanteur et compositeur Jairo (voir photo ci-jointe, extraite de Página/12) lui a rendu hommage en chansons, lui qui passé une bonne partie des mauvaises années en Espagne, en même temps que María Elena Walsh, puis en France où il fit une jolie carrière de chanteur latin lover exotique et qui est considéré aujourd’hui en Argentine comme un grand de la variété nationale. María Elena Walsh est l’auteur-surprise d’une de ces premières chansons à succès, composée et écrite en Espagne : el valle y el volcan (la vallée et le volcan). En fait il était venu la voir pour qu’elle l’aide un peu à se faire connaître, il lui avait montré une mélodie de son cru et elle l’avait gentiment mis à la porte. En fait, elle s’était enfermée pour lui écrire un texte qu’il trouva tout rédigé en revenant un peu plus tard à l’heure qu’elle lui avait indiquée en l’éjectant de chez elle...

María Elena Walsh s’est élevée pour les droits de l’homme et contre la dictature militaire, à la manière des artistes, avec des sous-entendus transparents, des métaphores, des allégories. Toute sa vie, elle a su mener des combats difficiles, en matière politique comme dans d’autres circonstances. L’un des orateurs de vendredi a souligné qu’elle avait survécu à un cancer des os, ce qui n’est pas si fréquent pour une personne de sa génération.

Côté Tango, à cette grande dame qui siège à l’actuel Conseil d’Administration de la Sadaic (société des auteurs et compositeurs argentins), le public doit Como la cigarra (comme la cigale), Oración a la justicia (prière à la justice) et le très célèbre El 45 (l’année 1945) où, partant d’une citation archi-connue d’un célèbre tango de Francisco Canaro (1), elle décrit avec nostalgie l’année de ses 15 ans, rappelle la sortie triomphale de Perón, après une brève relégation, sur le balcon de la Casa Rosada, acclamé par 150 000 manifestants venus en contrebas réclamer son rappel au Secrétariat d’Etat au Travail, portefeuille créé pour lui, elle y rappelle en termes forts le traumatisme des bombes d’Hiroshima et Nagasaki (eh oui, en Argentine aussi, on a perçu l’horreur) et dépeint les côtés insouciants de la vie quotidienne dans une Buenos Aires qui avait été préservée du conflit mondial et qui aimait prendre le thé à la confitería El Galeón, en admirant les élèves du Lycée militaire (cadetes) sanglés dans leur seyant uniforme alors très à la mode tandis que les électrophones diffusaient la voix de velours de Bing Crosby... Ce tango date de 1968. Et c’est en soi déjà un acte de résistance que de l’avoir écrit, chanté et enregistré.. Elle y parle, oh, sans le nommer bien sûr ! -c’était formellement interdit alors-, mais d’une manière absolument transparente pour le public, d’un homme politique passablement charismatique et alors en exil en Espagne. Peut-on imaginer une censure plus crétine que celle d’interdire de prononcer un nom propre ? Voilà ce qu’elle en dit (et maintenant je n’aurai pas besoin, moi non plus, de vous en dire plus) :


Te acordas hermana qué tiempos aquellos...
Te acordas de la Plaza de Mayo
Cuando él que te dijé salía al balcón
Tanto cambió todo que el sol de la infancia
De golpe y porrazo se no alunó [...]

Tu te souviens, ma soeur, quelle belle époque c’était ¡
Tu te souviens de la Plaza de Mayo
Quand celui que je t’ai dit est sorti sur le balcon...
Il a tellement tout changé que le soleil de l’enfance
D’un seul coup d’un seul nous a filé entre les doigts [...]
(Traduction Denise Anne Clavilier)


(1) ¿Te acordas hermano? (te souviens-tu, mon frère?), qu’elle transforme en ¿Te acordas hermana? Chacun le sien comme ça, les hommes ont le vieux, les femmes le nouveau. Et toc !
Hermano (comme hermana), ici, c’est frère (ou soeur) dans le sens amical et non pas familial du terme. En français, on dirait volontiers : Mon vieux, mon pote...

samedi 25 octobre 2008

El Día de los Cafés de la Ciudad [actu]

Affiche officielle (la charte graphique la rend très typique du paysage urbain de la capitale argentine)


Le 26 octobre, Buenos Aires fait la fête à ses cafés. Et ils sont nombreux... Cette date a été choisie par qu'elle est celle de l'inauguration du Gran Café Tortoni dans sa disposition actuelle, entre l'Avenida de Mayo, qui était alors toute récente, et Rivadavia, le 26 octobre 1894. Le Tortoni existe cependant depuis 1858, il fête donc cette année ses 150 ans (ce pourquoi l'Assemblée Législative de Buenos Aires a fait poser sur sa façade une nouvelle plaque le 15 août dernier, cf. mon article à ce propos). Le Tortoni est le plus vieux café de Buenos Aires, il a été fondé par un Français, Monsieur Touan, sur les modèles des cafés du Boulevard des Italiens à Paris. De ce fondateur, il a conservé un petit air de Café de La Paix... Son site Web vous offre sur 4 pages animées le 2ème couplet de Viejo Tortoni (Eladia Blázquez - Héctor Negro), tango dont on a tiré aussi les vers qui orne cette nouvelle plaque de marbre blanc...

A l'occasion de cette fête, la Ville de Buenos Aires va lancer son grand projet de développement culturo-touristique du quartier de Boedo (1) avec deux concerts très différents l'un de l'autre mais à la même adresse : esquina San Juan y Boedo. A 11h, demain matin, la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires, sous la direction des Maestros Raúl Garello et Juan Carlos Cuacci, donnera une audition. Susana Rinaldi sera présente comme chanteuse invitée.

A 18h, le groupe d'électro-tango Tanghetto reprendra le flambeau.

Cette esquina est bordée par le grand café Esquina Homero Manzi, qui fait cena-show le soir et dont le site web vous accueille avec une superbe version de Sur (Aníbal Troilo et Homero Manzi), par l'orchestre d'Aníbal Troilo et la voix de Edmundo Rivero, et deux autres cafés plus modestes mais non moins typiques, qui affichent fièrement eux aussi leurs quelques plaques commémoratives, dont plusieurs sont des oeuvres du Maestro fileteador Luis Zorz (voir la photo ci-dessus où vous pouvez apercevoir le reflet de la Esquina Homero Manzi dans la vitre du café).

Pour ceux qui aiment l'électro-tango, voici le site de Tanghetto (vous allez voir : ça ne ressemble pas du tout aux sites des groupes et artistes de tango "classique", c'est nettement plus... bling-bling. On entre là dans un autre domaine, celui d'un filon rentable parce que très séducteur et pseudo-moderne, de la musique quasi-industrielle fabriquée en MAO -musique assistée par ordinateur- avec production mécanisée, câlibrée, ciblée sur un public donné). A Buenos Aires, on discute ferme entre partisans de cette musique qui estiment qu'elle appartient à la famille du tango et adversaires, qui refusent de l'y inclure. Les grands artistes reconnus dans l'univers du tango, et ceci sans distinction d'âge, sont tous dans le deuxième camp.


(1) ce grand projet fera l'objet d'un article dans les jours qui viennent.

vendredi 24 octobre 2008

D'autres nouvelles de Madrid [ici]


Voilà un spectacle musique dont Alejandro signe la musique.
C'est ce soir, à Madrid, à 22h30, au Teatro Ateneo.
Quelle somptueuse affiche !

A l'occasion de la sortie de leur disque De mi Barrio (ed. Melopea), Mariel Martínez et Alejandro Picciano multiplient leur présence dans les médias espagnols.

On peut les écouter dans les 10 dernières minutes de Nuevos Ciudadanos, une émission de Punto Radio du 18 octobre (cliquez ici et descendez jusqu'à l'émission du 18/10) et les voir sur You Tube quand ils sont passés sur la Televisión Autonómica de Ciudad Real (une télévision publique régionale).

Le 27, ils sont attendus sur Radio 5 (la chaîne d'info en continu de Radio Nacional de España qui s'écoute en direct, rubrique Escuchános en vivo), dans l'émission Travesias de 18h30 à 19h, et le 29 sur la radio privée écoutable en direct sur le Web, Radio Tentación, à 19h (heure de Madrid). Sous réserve que les chaînes respectent leurs horaires et leurs programmes, bien sûr...

Le 2 novembre, Mariel et Alejandro entament leur tournée européenne de tour de chant tango De mi barrio par l'Allemagne. Ils seront le 3 novembre à Ivry s/ Seine (à deux stations de métro de Paris), retour en Espagne pour plusieurs shows dans différentes villes de la Péninsule et le 17 novembre, on les retrouve à Londres dans un restaurant argentin.

Pour les écouter, leur site (et les radios déjà mentionnées) vous attendent...

Pour finir le cycle au Conventillo de Teodoro [à l'affiche]

Alorsa et la Guardia Hereje donnent ce samedi leur dernier show au Conventillo de Teodoro, dans le quartier d'Almagro à Buenos Aires (anfiteatro del dofón, toujours en verlan) et partagent la scène du fond avec Los Hermanos Butaca. Un duo d'auteurs-compositeurs-interprêtes qui écrit sa propre musique (et ses propres textes), la joue en quatuor (chant, guitare, piano et bandonéon) et qu'Alorsa et son groupe ont plusieurs fois invité déjà dans leur "tannière" (guarida) de La Plata, la capitale de la Province de Buenos Aires.

Je vous laisse juges du talent de ces deux musiciens en vous donnant ici un lien avec leur page My Space.

Le spectacle est prévu comme tous les samedis à 22h, l'entrée est à 15$ avec un prix réduit pour les amis de La Guardia Hereje à 10$.

Pour prouver qu'on est amis de la Guardia Hereje, il faut donner à la caisse le mot de passe de la semaine qu'Alorsa a adressé au préalabrement par email à tous les initiés et pour compter au nombre des initiés, c'est pas trop dur : vous allez à un spectacle de la Guardia Hereje, partout où ils jouent, au Tango Criollo Club de La Plata, au CCC Floreal Gorini de Buenos Aires ou n'importe où vous avez la chance de tomber sur eux, vous vous approchez d'Alorsa ou d'un des musiciens après le show et vous donnez votre adresse email. Ou bien vous ouvrez vos oreilles en grand (après le show, c'est pas difficile) et vous retenez l'adresse du site Web que va vous donner Alorsa et puis vous allez à Contacto et vous vous inscrivez. Je ne vous donne pas le lien avec le site dans l'article, ce serait trop facile. Il est quelque part dans le blog, je l'ai mis)

Tous les samedis de novembre, Alorsa et la Guardia Hereje se produiront donc au Criollo Tango Club, tantôt avec tantôt sans invité...

Rubén Juárez de retour dans le quartier [à l'affiche]

C'est l'immense, superbe, géniale nouvelle de Villa Urquiza pour cette nuit...

Rubén Juárez, le grand bandonéoniste et chanteur, triplé d'un compositeur de quelques morceaux dont ¿Qué tango hay que cantar? (ici sous la direction de José Ogiviecki sur Todo Tango), sera présent à El Faro, esquina Pampa y Constityentes, ce soir, à 22h, dans le cadre de El Tango vuelve al Barrio (E.T.v.a.B.), un cycle de soirées de tango conçu et conduit par le chanteur Hernán Castiello (dit Cucuza) et le guitariste Maximiliano Luna (dit Moscato).

Ce soir, ils avaient déjà un invité, le chanteur Aureliano Marín, un cocktail de tango, de rock et de jazz, qui sera là bien sûr.

En plus d'un invité qu'ils ont présenté sur leur liste de diffusion comme INVITADO EXTRA DE LUJO.

L'homme, originaire de Córdoba, a été découvert au début des années 1970 par Aníbal Troilo. Il est un chanteur magnifique, même si la voix souffre un peu maintenant par rapport à ce que vous pouvez entendre sur l'enregistrement de 1987 que je vous ai mis à disposition plus haut, et c'est un acteur, un clown fabuleux. Sur la scène, il a une une présence écrasante et malgré cette présence, il sait laisser leur place aux autres... Au soir de la clôture du 10ème Festival de Tango de Buenos Aires, il a mis la salle du Teatro Avenida dans sa poche en deux temps trois mouvements, les spectateurs trépignaient de joie à ses facéties, la soirée a duré plusieurs heures sans qu'on s'en aperçoive... Un vrai feu d'artifice. En prime, Rubén Juárez est réputé pour sa générosité et son engagement social dans sa province natale où il a aidé beaucoup d'écoles, financé ou maintenu à flot des centres culturels, offert des activités éducatives aux enfants et aux jeunes... Bref, c'est une personnalité qu'il faut connaître.

Et vous savez pas quoi ? C'est tout Córdoba qui déboule à Villa Urquiza cette nuit. Aureliano Marín vient de cette ville de l'intérieur...

Alors si vous êtes en ce moment à Buenos Aires, retenez tout de suite votre place dans cette pizzeria de quartier, c'est un resto tout ce qu'il y a de plus sympathique et en plus, ils ne profitent pas de l'occasion pour augmenter le prix de la soirée. C'est toujours 18 $ l'entrée (la pizza est en plus).

A toutes fins utiles, voilà le téléphone et le mail : 4573-3055 – mailto:eltangovuelvealbarrio@gmail.com.

Et si vous êtes anclao en Europa (1) comme moi, consolez-vous avec le Web...

La voix de Cucuza s'écoute en cliquant ici, sur sa page My Space.
Celle d'Aureliano Marín en cliquant ici, sur sa page My Space.
Et la musique de Rubén Juárez se déguste sur son site et sur un certain nombre d'autres...

Allez donc farfouiller dans la liste des podcasts de Tango City Tour, Mabel Pramparo, née à Río Cuarto, dans la Province de... Córdoba, est l'une des plus grandes fans de son compatriote... Aux dernières nouvelles, il est présent dans le podcast que Juan et Mabel ont consacré à ce concert de Teatro Avenida au mois d'août dernier. Voir aussi dans les articles d'août dans Barrio de Tango.

Pour achever, sous nos cieux automnaux, de créer l'ambiance "primaveral" et gastronomique qui va régner ce soir à El Faro, il vous faudra une pizza. Vous pouvez la commander à votre Allopizza le plus proche, peut-être même par Internet (on n'arrête pas le progrès). Mais je serais vous, j'irais d'abord humer les bonnes effluves de tomate con muzzarella dans l'article de Luis Alposta que je vous ai traduit il n'y a pas longtemps. C'est encore tout chaud. Avec le petit rouge de la patronne, ce sera parfait. C'est pas loin, Luis Alposta habite le coin... (cliquez ici ou allez consulter les archives de la Semaine du Goût d'octobre 2008).


(1) Anclao en París : célèbrissime tango de Guillermo Barbieri et Enrique Cadícamo écrit en 1927 pour Carlos Gardel (coincé à Paris, l'histoire d'un Argentin qui n'a pas fait fortune comme espéré dans le tango à Paris et n'a même pas de quoi se payer le bateau pour rentrer... dans son quartier).

Litto Nebbia par monts et par vaux [à l’affiche]

Comme Litto Nebbia a la gentillesse de m’informer de ses tours de chant en cours ou en projet, je saisis l’occasion de vous parler un peu de cet artiste que nous ne connaissons pas ici (ou si peu) et qui jouit en Argentine et plus largement en Amérique Latine d’un prestige et d’une popularité dont il est difficile de se faire une idée dans notre Europe collet monté...

Difficile de le classer dans les catégories musicales qui sous-tendent notre compréhension dans ce domaine puisqu’il traverse systématiquement toutes les frontières que nous avons, nous, Européens et surtout Français, tracé entre les genres musicaux. Tout à la fois auteur-compositeur-interprète de rock (nacional s’entend) et de tango, dont il joue, arrange et chante aussi le répertoire classique. Il est chanteur, pianiste, guitariste et joue aussi du synthé (teclado), que ce soit dans des oeuvres originales ou des arrangements personnels de tel ou tel morceau du répertoire.

Litto Nebbia est le premier à avoir, il y a une quarantaine d’années, écrit du rock en espagnol (les Sud-Américains disent "en castellano", pour distinguer leur langue de celle de l’ancien colonisateur, non mais !). A une époque où les Etats-Unis imposaient sur tout le continent leur industrie musicale... in english. Avec une puissance commerciale qui n’a rien à voir avec ce qui nous est tomber dessus ici en Europe après guerre. Et aussi en un temps où dans l’Espagne franquiste, il n’y avait pas grand monde pour s’adonner à cette musique yanqui... Litto a de fait forcé sa place dans l’univers du rock et, contre vents et marées, il y a implanté une expression culturelle propre à l’Amérique du Sud, dont l’histoire, la société, le mode de vie, les valeurs sont très différentes de ce qu’exprimait (et qu’exprime toujours) le rock nord-américain. Et ce faisant, son cheminement artistique a été très proche de l’esprit du tango, qui est principalement, en tant qu’expression artistique, un marqueur culturel et politique des populations qui habitent ce coin de la planète bleue.

Dans notre esprit européen, ces deux genres musicaux, rock et tango, sont opposés et pour tout dire incompatibles. Sous nos latitudes, les amateurs de rock méprisent le tango (ce vieux machin défraîchi) et les amateurs de tango n’ont pas beaucoup de respect ni de goût pour le rock. Musique de sauvage, sans queue ni tête ! En Argentine, les deux genres co-existent d’une toute autre manière, parfois antagoniste mais souvent fraternelle, puisque grâce au travail de musiciens comme Litto Nebbia il existe un rock populaire autochtone qui parle en direct du vécu criollo, comme le fait le tango à sa façon, avec son rythme et ses sonorités bien à lui. En Argentine et ailleurs en Amérique Latine, il y a eu, bien sûr, et il y a encore des musiciens qui, pour se glisser dans le courant commercial porteur du rock importé du nord, ont fait (ou font) une musique un peu facile, un peu imitatrice, à la façon de... et speak english... Chez nous aussi, dans l’Europe non anglophone, on a assisté à la naissance d’un courant rock et d’un courant pop dans lequel des musiciens, dont certains particulièrement doués et brillants, sont partis comme un seul homme sur un exotisme nord-américain, ont déguisé leur style, leur vocabulaire et jusqu’à leurs noms pour "se la jouer" Elvis... Pensez à Claude Moine, à Jean-Philippe Smet ou à Hervé Forneri (1) que tout le monde connaît mais pas sous ces patronymes-là, parce qu’ils ont adopté des noms de scène au parfum de bannière étoilée : dans leurs chansons, qui peuvent être belles et qui ont connu un grand succès, mérité ou non, ils nous entretiennent d’une mythologie qui nous est étrangère, de réalités qui ne sont pas les nôtres : la route 66, Tennessee, le motel, Memphis, le jambalaya et que sais-je ?. Mais en Argentine, avec cette longue tradition d’une musique "bien de chez nous" qui a ses racines dans l’héritage oral des payadores et dans les lignées de musicien de tango, une musique qui s’accroche pour continuer d’exister en dépit de toutes les adversités, reflet de ce que les Argentins appellent avec tendresse "lo nuestro", il y a eu des auteurs-compositeurs originaux, Litto Nebbia en tête, qui ont pris la même grand-route mais délibérément à contresens. Ceux-là parlent de leur pays, de sa situation, de ce qui s’y vit et en parlent en castellano. Ce qui ne veut pas dire qu’ils vomissent le rock anglo-saxon. Loin de là. Parce qu’ils ont pu sauvegarder et faire s’épanouir leur propre culture, leur propre sensibilité, ils sont tout à fait capables d’accueillir la musique venue d’ailleurs, de se laisser toucher par elle et de mêler leur voix et leurs instruments à ce répertoire venu des USA ou de Grande-Bretagne. Dans la plus pure fidélité à ce processus de creuset multi-ethnique qui fondent ces pays métissés que sont l’Argentine et l’Uruguay. Et c’est pourquoi à la surprise de certains lecteurs, ce blog parle aussi de rock et de jazz...

Il y a vingt ans, Litto Nebbia a poussé le service de cette culture nationale (et même binationale, parce qu’il n’est guère concevable de séparer Argentine et Uruguay) jusqu’à se faire producteur de disques. Il a donc fondé sa propre maison, Melopea Discos, aujourd’hui installée dans une tranquille petite maison du quartier de Villa Urquiza. Une maison comme ses voisines, qui passe inaperçue... Sous ce label indépendant, qui a sans doute de toutes les maisons de disques argentines le catalogue de música nacional le plus riche (tango, rock, jazz, folklore et aussi flamenco), il a sorti les derniers disques de Roberto Goyeneche et de Tito Reyes, sorti des inédits de Piazzolla et Ferrer et assuré les premiers enregistrements d’un fabuleux trio, les Maestros Raúl Garello et Horacio Ferrer interprété par un chanteur de grand talent hélas décédé, Gustavo Nocetti, des albums bouleversants autour de la figure de Goyeneche (Amigos 1993, Tributo al Polaco Goyeneche, El Polaco cuenta y conta su historia....) et quelques DVD "imperdibles", comme La historia vuelve a repetirse (l’histoire se répète), le préféré de tous mes DVD de tango : un documentaire fait avec le coeur sur le poète et compositeur Enrique Cadícamo, alors âgé de 95 ans et des poussières, avec toute sa tête et son caractère bien trempé...

Le 17 octobre, Litto Nebbia a assuré la partie musicale d’une des manifestations du Día de la Lealtad, la fête de la loyauté en souvenir du 17 octobre 1945, départ de la saga péroniste (encore un grand symbole de la volonté d’indépendance politique et économique des Argentins). 70 000 personnes autour d’une scène immense dressée au dessus du Paraná, l’une des deux principales rivières qui forment le Río de la Plata en débouchant, un peu au nord de Buenos Aires, sur l’autre rivière, énorme elle aussi, qu’est l’Uruguay. Dans ces occasions-là, bien sûr, la musique, c’est la cinquième roue du carrosse. En Argentine, les manifestations politiques restent des manifestations politiques, le spectacle n’y est qu’un plus. Le syndrome de la Fête à Neuneu qui a gagné la Fête de l’Huma à la Courneuve depuis de nombreuses années n’est pas encore à l’ordre du jour en Argentine et surtout pas chez les péronistes, toujours bien accrochés à leur banderoles bicolores et à leurs immenses portraits d’Evita...

Il y a quinze jours, Litto Nebbia partageait une scène certes plus modeste en taille (quoi que... La salle accueillait tout de même un millier de spectateurs....) mais certainement plus mélomane avec Pablo Agri, un violoniste de tango en pleine ascension, lui même fils d’un autre grand violoniste, Antonio Agri, qui a joué souvent avec Astor Piazzolla. Pablo Agri et Litto Nebbia se sont mêlés à un orchestre de cordes composé d’une vingtaine de jeunes instrumentistes (les orchestres de jeunes musiciens en début de carrière sont légions en Argentine et singulièrement à Buenos Aires). Au programme, un bon paquet de morceaux signés par Litto, tirés de ce qu’il appelle (et pas seulement lui) música de corte ciudadano (2). Ils ont aussi interprété le très beau et très noir tango Fuimos, de José Dames et Homero Manzi, où Homero Manzi fait parler un amant (ou une amante) au seuil de la rupture et Oblivión, un grand Piazzolla dont vous n’aurez pas de mal à trouver diverses versions par une foultitude d’interprètes généralement très bons et vous pourrez vous amuser à faire des comparaisons.

La semaine prochaine, Litto Nebbia sera l’invité de The Draytones, un groupe de rock inspiré par les Beattles. Ce sera dans le cadre d’un important festival à destination d’un public de jeunes avec beaucoup d’artistes venant des Etats-Unis et d’Angleterre. Les Draytones sont des Britanniques et ils ont inscrits à leur répertoire des morceaux de Litto Nebbia, dont plusieurs qu’il a composés il y a un certain nombre d’années, quand il était adolescent.

Du coup, on pourra sans doute écouter Litto Nebbia à Londres cet été car The Draytones vont le faire venir. Il passera aussi deux mois à en Espagne, où il est passablement connu et apprécié, comme artiste et comme producteur. Et qui sait si, à condition que les Parisiens soient très, très, très sages, on ne pourrait pas l’entendre aussi quelque part dans la capitale hexagonale. Rien n’est fait pour l’heure et Dieu sait que c’est compliqué de faire venir en France les vrais artistes de tango... Affaire à suivre.

En attendant, les Parisiens se régaleront du tour de chant que viennent faire deux des poulains de Litto Nebbia au Squat Sans Plomb, M° Mairie d’Ivry, le 3 novembre à 21h30 (cf. les articles consacrés à Mariel Martínez et Alejandro Picciano que vous pouvez retrouver dans ce blog si vous cliquez sur le mot clé Melopea, en haut de cette entrée, sous le titre). Et ils pourront aussi se précipiter sur le tout nouveau disque tango du catalogue de cette maison, De mi barrio, où ces jeunes musiciens interprètent avec la voix et une guitare quelques grands classiques immortels.

Pour ceux qui veulent savoir un peu mieux qui est Litto Nebbia et que sa musique intéresse, vous aurez tout (y compris l’achat en ligne) sur le site de Melopea. Je renvoie également (tant qu’à faire) à ce que j’écrivais au retour de Buenos Aires sur un gros tas de disques et de livres qui m’ont été offerts pendant mon séjour là-bas et parmi lesquels figurent de très beaux cadeaux de sa part (cliquez ici).

Et en attendant de l'écouter, en direct ou sur disque, ça vous dit de le lire ?
Voilà le début d'une chanson ciudadana qui a été interprétée par un nombre considérable d'artistes, dont Susana Rinaldi, José Angel Trelles (tous deux chanteurs de tango) ou Mercedes Sosa (une grande chanteuse folkloriste) : Sólo se trata de vivir (partition éditée par Warner Chappell)

Dicen que viajando se fortalece el corazón
Pues andar nuevos caminos
Te hace olvidar el anterior
Ojalá que esto pronto suceda,
Así podrá descansar mi pena
Hasta la próxima vez

Y así encuentras una paloma herida
Que te cuenta su poesía de haber amado
Y quebrantado otra ilusión
Seguro que al rato estará volando,
Inventando otra esperanza
para volver a vivir
Letra y música Litto Nebbia

Il s'agit de vivre et rien d'autre
On dit que les voyages rendent le coeur fort
Tiens... prendre de nouveaux chemins
Te fait oublier le précédent.
Si seulement cela pouvait arriver vite !
Alors je pourrai laisser reposer mon chagrin
Jusqu’à la prochaine fois

Et alors tu tombes sur une colombe blessée
Qui te raconte sa poésie d’avoir aimé,
Et un nouveau rêve d’avenir encore disloqué,
Bien sûr que dans un moment elle sera là à voler
en inventant un nouvel espoir
pour se remettre à vivre.
(Traduction Denise Anne Clavilier)


(1) Eddy Mitchell, Johnny Hallyday, Dirk Rivers. A se demander ce qui a pu passer dans la tête de Claude François pour qu’il conserve un nom aussi franchouillard...
(2) de corte ciudadano : une image empruntée à la couture et au métier du vêtement. El corte, c’est la coupe, la façon de tailler un vêtement. L’image est fréquente en Argentine lorsqu’il s’agit de qualifier un style musical ou artistique : de corte bailable, de corte antiguo, de corte moderno... La même expression est utilisée en Espagne dans l’enseigne d’une célèbre chaîne de grands magasins, el Corte Inglés (la coupe anglaise, qui était du dernier chic en Espagne au début du 20ème siècle, du temps du règne d’Alphonse XIII et de son épouse anglaise, la Reine Victoria Eugenia. Dans de corte ciudadano, l’adjectif est une référence à la ville (de Buenos Aires) et donc et au courant musical du tango.

Conférences pour le jubilé démocratique [à l’affiche]

Le 30 octobre 2008, l’Argentine fêtera les 25 ans de l’élection du président Raúl Alfonsín, avocat, grand militant des droits de l’homme et longtemps élu local puis natioanal de l’UCR (Unión Cívica Radical, le grand parti de gouvernement qui partage la gauche avec le Partido Justicialista). Cette élection marquait le retour du pays au régime constitutionnel après la longue parenthèse chaotique entamée en 1966 avec un coup d’Etat militaire appelé Revolución Argentina, strictement anti-péroniste, qui conduisit le pays au bord de la guerre civile, laquelle fut évitée de justesse par le retour au pouvoir d’un Perón très âgé en binôme avec sa troisième épouse, Isabel Perón, la vice-présidente qui lui succèda lorsqu’il mourut au début 1974. Isabel Perón, aujourd’hui exilée en Espagne et sous mandat d’arrêt international, gouvernera en s’appuyant sur une police parallèle appelée Triple A (pour Allianza Argentina Anticomunista). Ce qui ne l’empêchera pas d’être elle-même renversée par le Chef d’Etat Major qu’elle venait de nommer. La nouvelle dictature militaire, que les Argentins appellent la Dernière Dictature (1976-1983), fera régner la terreur dans les rangs de la gauche, tous courants confondus et notamment les péroniste de l’aile gauche, les Montoneros, et s’effondrera dans la désastreuse défaite des Malouines infligée à l’Argentine par la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher (laquelle ne poursuivait pas vraiment la fin de la Dictature en Argentine).

Elu le 30 octobre 1983 et installé le 10 décembre, Raúl Alfonsín rétablit l’ordre constitutionnel, entame le long processus, toujours inachevé, des procès contre les bourreaux (qu’on appelle là-bas los represores) et fait poursuivre et condamner les responsables de la Junte Militaire, modifie le statut de l’Armée, qui doit désormais institutionnellement obéissance au pouvoir civil. Vaincu par une énième crise économique, en 1989, il est obligé de se retirer et un péroniste flamboyant lui succède, Carlos Menem, qui fera une politique néo-libérale démente et peu cohérente que le gouvernement actuel s’attache à défaire pièce à pièce (renationalisation de Aerolineas Argentinas et fin des fonds de pension comme régime principal de retraite sont les mesures les plus symboliques de cet antagonisme interne au mouvement péroniste).

Les célébrations ont démarré il y a quelques semaines sur une grande réception solennelle à la Casa Rosada, siège officiel de la Présidence de la République. La Présidente Cristina Fernández a reçu en grandes pompes Raúl Alfonsín qui a franchi les 80 ans (il est né en 1927). Un certain nombre d’hommes politiques se sont précipité à la Casa Rosada, séchant même au Sénat un vote important sur le système de réévaluation des pensions de retraite servies par l’ANSeS. En revanche, on n’y pas vu Carlos Menem, qui commençait à se faire discret en vue de sa comparution devant un tribunal pénal dans une affaire de vente d’armes assez peu reluisante.

Aujourd’hui, le quotidien Clarín, un des acteurs majeurs de la vie intellectuelle et politique de ce quart de siècle, véritable vigie en la matière, se joint aux célébrations en entamant un cycle de conférences gratuites sur ces 25 années de démocratie, sous le thème général : apprendre de notre passé et construire notre futur.

Ces conférences porteront sur plusieurs points clés de ce difficile et complexe retour à la démocratie. Hier soir, 23 octobre, la conférence se penchait sur l’enseignement : Qu’avons-nous gagné, qu’avons nous perdu durant ces 25 ans ? Les défis à relever et la rançon à payer (desafios y deudas pendientes) pour retrouver la qualité (on évoquera le statut du professeur à un moment où un assez grave conflit social oppose les enseignants et les pouvoirs publics locaux et nationaux, le droit à l’éducation alors que se déroule une campagne nationale pour sensibiliser les parents sur l’interdiction du travail des enfants et faire respecter par tous l’obligation de scolarisation sur tout le territoire, l’intégration des NTIC, etc.).

Les conférences ont lieu dans l’auditorium de Clarín, rue Piedras (n° 1743). Entrée libre et gratuite.
Ce cycle de conférences s’achèvera le 20 novembre prochain.

Jeudi prochain, 30 octobre, on parlera du défi du développement et de la distribution de la richesse (un sujet brûlant dans toute l'Amérique Latine).
Le 6 novembre : Ce que la corruption nous a volé. Les défis à relever et la rançon à payer dans la lutte pour la corruption.
Le 12 novembre : La parole du citoyen en démocratie : nos droits et nos garanties.
Le 20 novembre : Le passif (deuda) institutionnel : la Cour Suprême et le Congrès face à l'hyperprésidentialisme.

Parallèlement à cette série de conférences, Clarín organise un cycle de cinéma en partenariat avec Poder Ciudadano (Pouvoir Citoyen) et le Ministère de la Culture du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires. Ce festival de cinéma a lieu en plein air, dans la petite rue Pasaje Carlos Gardel, à côté du Centre Commercial de l'Abasto. Il est placé sous la responsabilité d'un responsable éditorial de Clarín (rubrique Spectacles). Ce cycle se terminera le 23 novembre.

Actuellement, l’Argentine s’apprête à accueillir sur son sol le siège d’une importante institution de surveillance des Droits de l’Homme, un peu de baume au coeur de ce peuple meurtri par un demi-siècle de coups d’Etat, de révolutions de palais, de gouvernements autoritaires et policiers, voire de dictatures violentes, du 6 juin 1930 à octobre 1983.